Quatrième de couverture:
8 octobre 1908 ; Adolf Hitler recalé.
Que se serait-il passé si l'école des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement? Que serait-il arrivé si, à cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d'artiste?
Cette minute-là aurait changé le cours d'une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde ...
Mes impressions de lecture:
Un coup de coeur pour ce roman magistral.
On suit le parcours de ces deux hommes Adolf H. et Hitler avec curiosité. EE Schmitt nous fait suivre sa pensée, son questionnement. On cherche le moment où tout va basculer, les indices qui prouveraient que lui, l'autre (surtout pas moi) était destiné au Mal. Que c'était écrit, inéluctable. Qu'il est tellement différent de nous.
Et puis on découvre un jeune homme dont on pourrait avoir pitié, qu'on pourrait avoir envie d'aider. On se dit que cette fois-ci l'histoire ne sera pas la même. Mais cette fois-ci encore l'histoire a suivi son cours et Hitler est devenu Hitler, l'homme qui a causé tant de souffrances.
Par ses choix EE Schmitt se révèle énormément. La mort de son chien adoré, l'hypnotisme ... j'ai eu l'impression qu'il fallait un déclencheur, qu'Hitler ne pouvait pas être naturellement mauvais.
Il le confirme d'ailleurs dans le journal en postface. M. Schmitt est un humaniste qui pense (si j'ai bien compris) qu'on ne nait pas mauvais, mais qu'on le devient.
Mais qu'est-ce que ça implique? ça implique que, quel que soit notre passé, notre enfance, nos meurtrissures, notre destin n'est pas une fatalité. Nos zones d'ombre il faut les découvrir, les regarder droit dans les yeux, les accepter pour mieux lutter contre elles.
Je crois que c'est ce qu'il a fait en écrivant ce roman. IL a regardé celui qui, pour lui, ressemblait le mal, s'est mis dans sa peau, a essayé de le comprendre pour mieux saisir dans quelle mesure il était en lui.
Un roman troublant, essentiel, intelligent ... , un roman d'Eric-Emmanuel Schmitt...
Edit :
Mini-bichette l'a lu en une nuit. La nuit du 9 janvier 2015. Du haut de ses 14 ans tout neufs il lui a semblé essentiel de le lire ce jour-là. Comme toujours, sans rien dire à personne, elle l'a pris dans la bibliothèque et a lu toute la nuit. Envie de le noter pour m'en souvenir.
"L'erreur que l'on commet avec Hitler vient de ce qu'on le prend pour un individu exceptionnel, un monstre hors norme, un barbare sans équivalent. Or c'est un être banal. Banal comme le mal. Banal comme toi et moi. Ce pourrait être toi, ce pourrait être moi. Qui sait d'ailleurs si, demain, ce ne sera pas toi ou moi? Qui peut se croire définitivement à l'abri? A l'abri d'un raisonnement faux, du simplisme, de l'entêtement ou du mal infligé au nom de ce qu'on croit le bien? [...] Tel est le piège définitif des bonnes intentions. Bien sûr, Hitler s'est conduit comme un salaud et a autorisé des millions de gens à se comporter en salauds, bien sûr, il demeure un criminel impardonnable, bien sûr je le hais, je le vomis, je l'exècre, mais je ne peux pas l'expulser de l'humanité. Si c'est un homme, c'est mon prochain, pas mon lointain."
"Réduire Hitler à sa scélératesse, c'est réduire un homme à l'une de ses dimensions. C'est lui faire le procès qu'il fit lui même aux Juifs. Noircir l'autre pour se blanchir: la pensée même d'Hitler. Et la pensée des gens qui parlent d'Hitler. Blanchir l'humanité en en excluant Hitler. Comme si l'humanité n'était pas spécifiquement humaine."
"Ils n'étaient plus que de la chair. Deux pieds deux mains. Cela suffisait à la nation."De la chair. Chair à canon. Bonne à tuer ou à se faire tuer.. Viande et os. Rien d'autre. Des bipèdes armés. Pas plus. Pas d'âme, ou juste assez pour pisser de peur."
"Depuis le début du conflit, il comptabilisait ce qui différenciait les hommes des bêtes ; pour l'instant, il avait trouvé le tabac, l'alcool et la guerre. Trois manières de se tuer plus vite. Au fond, l'homme se distinguait de l'animal par une impatience de la mort."
"La bête s'est réveillée en lui. Elle est belle la bête. rapide. Inépuisable. Instinctive. Millénaire. Elle est forte, la bête. Elle se jette au sol, esquive une balle, tire, se redresse. Un flair énorme, la bête. Elle évite toujours la mort. Elle la donne d'un coup sûr. Et souple. Et vive.
Oui, en lui, l'homme meurt. La bête le remplace.
Il court. Il tire. Il court.
C'est le feu. C'est la charge. C'et l'extase de la charge. Je suis heureux. Je n'ai jamais été aussi heureux. J'existe enfin. Merci, mon Dieu, de m'avoir fait connaître la guerre."